Par un arrêt du 7 juillet 2022, la CJUE invite les titulaires de marque à la prudence lorsqu’ils apposent leur signe sur un produit. En effet, la Cour apporte des précisions sur le lien entre la qualité de titulaire de la marque et celle de « producteur », redevable de responsabilité, au sens de la directive n° 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

En l’espèce, une machine à café de la marque Philips a provoqué un incendie, créant des dommages à un consommateur. Ce dernier a été indemnisé par son assureur, lequel a ensuite agi en responsabilité contre la société Philips arguant de la défectuosité de l’appareil. La société a contesté sa responsabilité, considérant qu’elle n’a pas la qualité de « fabricant » dans la mesure où la machine a été fabriquée par une filiale roumaine.

La CJUE a donc été saisie par les juridictions finlandaises en interprétation de la notion de « producteur » au sens de la directive précitée. Deux questions préjudicielles étaient ainsi posées :

« 1)      La définition du producteur, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la [directive 85/374], exige-t-elle que la personne qui a apposé son nom, sa marque ou un autre signe distinctif sur le produit, ou qui a autorisé cette apposition, se présente également comme le producteur du produit d’une quelconque autre manière ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, à l’égard de quels éléments convient-il d’apprécier le fait pour une personne de se présenter comme le producteur du produit ? La circonstance que le produit a été fabriqué par la filiale du titulaire de la marque et commercialisé par une autre filiale du titulaire a-t-elle une incidence sur cette appréciation ? »

 

La seconde question restera sans objet dans la mesure où la CJUE a répondu par la négative à la première. Il n’est ainsi pas nécessaire que la personne qui a apposé son nom, sa marque ou un autre signe distinctif sur le produit, ou qui a autorisé cette apposition, se présente également comme le producteur du produit d’une quelconque autre manière pour endosser cette qualité.

Pour rappel, l’article 3 § 1 de la directive énonce que « [l]e terme “producteur” désigne le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première ou le fabricant d’une partie composante, et toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ». L’affirmation renferme une alternative. Aussi n’est-il pas toujours imposé que la personne soit impliquée dans le processus de fabrication du produit. Ainsi, « une participation de la personne se présentant comme producteur dans le processus de fabrication du produit n’est pas nécessaire pour que celle-ci soit qualifiée de “producteur”, au sens de ladite disposition » (pt 27). En outre, aucun critère supplémentaire ne saurait être exigé.

Par ailleurs, le législateur de l’Union a entendu adopter une acception large de la notion de « producteur » dans l’objectif de protéger le consommateur (pt 31). Dès lors, « la protection du consommateur exige que la responsabilité de toute personne qui se présente comme producteur en apposant son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif sur le produit soit engagée au même titre que la responsabilité du véritable producteur » et le consommateur a le choix de demander la réparation intégrale du dommage à l’un ou l’autre, leur responsabilité étant solidaire (pt 32).

En outre, en apposant sa marque, la personne titulaire utilise sa notoriété pour rendre le produit plus attractif ; elle donne ainsi l’impression d’être impliquée dans le processus de production et d’en assumer la responsabilité.

En conséquence, « il ne saurait être exigé que la personne qui a apposé son nom, sa marque ou un autre signe distinctif sur le produit, ou qui a autorisé cette apposition, se présente également comme le producteur du produit d’une quelconque autre manière pour être considérée comme un “producteur”, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 85/374 » (pt 36).

 

En pratique, cet arrêt invite fortement les titulaires de marque à rester vigilant dans leur partenariat et à anticiper les questions de responsabilité en prévoyant notamment des clauses de garantie dans les contrats liés.