En droit d’auteur, la preuve de l’originalité d’une œuvre est une véritable gageure. A quel moment rapporter cette preuve ? Avec quel degré de précision ? Comment ne pas sombrer dans la subjectivité judiciaire alors que la notion, au moins d’un point de vue français, est éminemment subjective ? Un rapport du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique de décembre 2020 fait état de ces nombreuses difficultés et formule des propositions de réforme du Code de la propriété intellectuelle dans le but d’éviter que le débat sur l’originalité, parfois nécessaire, ne soit utilisé de manière systématique et dilatoire.
Dans un arrêt du 6 avril 2022, la première Chambre civile de la Cour de cassation apporte une pierre à l’édifice en précisant le lien entre la démonstration de l’originalité et la saisie-contrefaçon.
En l’espèce, deux époux exploitants d’un magasin de vente de matériels photographiques et de photographies ont cédé en 1987 leur fonds de commerce à une société. Découvrant la publication d’un ouvrage imprimé en 2013 qui reproduisait, sans son autorisation et sans mentionner son nom, des négatifs et plaques photographiques dont il se déclarait investi des droits d’auteur, l’héritier des cédants fait procéder en 2016, après y avoir été autorisé, à une saisie-contrefaçon dans les locaux d’une autre société. Il a ensuite assigné la société en question en contrefaçon. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon est annulé par la cour d’appel de Rennes, notamment en raison de l’absence de démonstration de l’originalité. Les juges du fond relèvent en effet que « les œuvres photographiques ne révèlent pas la personnalité [des auteurs], et qu’elles sont dès lors dépourvues d’originalité ». Question de preuve ou question substantielle, la formule choisie est ambiguë. En tout état de cause, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel au visa de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, en affirmant que « l’auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause ont qualité pour agir en contrefaçon et solliciter à cet effet l’autorisation, par ordonnance rendue sur requête, de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, sans avoir à justifier, au préalable, de l’originalité de l’œuvre sur laquelle ils déclarent être investis des droits d’auteur ». C’est donc bien dans le cadre de la procédure au fond que se traitera la question de l’originalité.
On relèvera encore que la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui avait considéré l’action en contrefaçon de l’ayant droit prescrite en retenant qu’il avait connaissance depuis des années de l’exploitation des œuvres litigieuses. Rappelant, au visa de l’article 2224 du Code civil, que « l’action en réparation des atteintes portées aux droits de l’auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de ceux-ci a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer », la Haute juridiction renvoie à l’ouvrage édité en 2013, dont il est fait état dans l’assignation, soit 3 années avant la procédure entreprise.